J’ai la plus profonde mélancolie pour ceux que
j’ai vus de son vivant furtivement pour la dernière fois, étant celle-ci dans
quelques cas la première. C’étaient comme des étoiles filantes et c’est juste à
cause de ça que je me rappelle si bien le moment où je les ai vus. Inoubliable.
Parfois il s’agit de gens anonymes et parfois ce sont de personnages populaires,
ça ne fait rien, ça ne modifie du tout la puissance de ma tristesse. C’est là
que l’on se rend compte en toute clarté de la futilité des hiérarchies des
vivants, c’est là que l’on voit l’aune démocratique de la mort. Je les ai
rencontrés par hasard dans un restaurant ces gens, montant la rue ou traversant
un passage piétons pendant que j’attendais le feu sur ma moto. Un geste, l'air, la démarche, la façon d'avaler, quoi que ce soit. Au moment du
rencontre j’étais bouleversé, mais je ne savais pas à quel point ça me touchait
et me toucherait à jamais. On ne sait pas à présent la portée de ce qui nous
arrive, il faut attendre bien, mais pas patiemment, ce n’est pas la sorte d’attente
qui peut mener au désespoir, car on ne réalise pas comment tel ou tel souvenir cristallise
dans notre esprit. C’est le temps lui-même qui nous rappelle l’importance du
moment vécu il y a longtemps, pas notre conscience. Il y a une sorte de tamis
sage dans notre cerveau qui est bien au-delà de nous. J’aime bien ces gens-là,
en fait eux ils sont les gens que j’aime le plus. Peut-être parce que je ne les
ai jamais connus, peut-être parce que je ne les ai même pas imaginés. C’est juste leur fugacité ce qui rend mon émotion, ou plutôt leur fugacité étant le reflet de la mienne. La mort dans la vie rend de l’émotion.
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