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dilluns, 19 de març del 2018

Se taire ou pas


Je me rappelle bien ce jour-là, j’étais gamin, mon père et moi sur le palier du voisin d’en bas et le vieux voisin, M Agustí, ouvrant la porte. Il était grand, M Agustí, et je le respectais bien parce qu’il était grand et vieux, mais il ressemblait à un roseau, ce qui à mes yeux lui rendait un air de vigueur immortel. En plus il était courtois. Tout cela m’apaisait, ma confiance en lui découlait de tout cela. Cependant j’avais confiance en mon père par-dessus tout et tout le monde, car mon père était Dieu, bien que je soupçonnais qu’il était un dieu particulier qui disait et faisait des choses que je ne comprenais pas, et même qui s’avéraient trompés, et en ce cas-là c’était parce que les autres ne les comprenaient pas, ce qui rendait mon père le dieu des dieux, le roi de tous les dieux. Je le voyais avec une couronne qu’il ne se levait, même pas pour dormir. Je ne lui ai jamais parlé de sa couronne parce qu’il ne m’en parlait jamais, et j’ai interprété ça comme un signe de modestie et de mystère, un truc que l’on devait regarder mais pas en parler. Mon père était un dieu très modeste, je crois bien. Il me disait de manière récurrente que si je ne savais quelque chose il valait mieux me taire, et du coup je me taisais, maintes fois je me taisais, et pourtant j’étais assez bavard. Je pensais en profondeur avant de dire n’importe quoi, ce qui me rendait un enfant très pensif au prix de la répression. Ma pensée entrait souvent en conflit avec ce que je ressentais. Mon père ne le savait pas à l’époque, tout comme moi. Aujourd’hui je le sais, et mon père insiste à ne pas le savoir, tout comme à l’époque.

M Agustí ouvrit la porte et mon père se mit à parler avec lui sur n’importe quoi. À un moment donné de la conversation M Agustí lui dit « il s’agit  de je ne sais pas quoi… », et j’ai sorti sur le coup en disant « eh bien, si vous ne savez quoi, alors il vaut mieux vous taire, M Agustí », et tout de suite mon père m’a assené une claque très sonore, je l’entends encore. Je ne comprenais pas du tout sa réaction et là je pense que M Agustí ne le comprend non plus depuis son cimetière. Mon père lui il a rougi, sa figure plus rouge, me semblait-il, que la mienne suite à sa claque. Bizarre. J’ai regardé M Agustí et par bonheur il faisait mine de rien, il était trop vieux pour se scandaliser, j’ai voulu penser, et peut-être il me donnait raison, parce qu’après, une fois mon père eut parti il m’a dit que, effectivement, il ne savait quoi dire à mon père, et qu’il vaut mieux dire « je ne sais pas quoi » plutôt que de feindre de le savoir. Mais alors, d’après mon père il y a le silence, j’ai dit à M Agustí, et il m’a fixé puis nié de la tête. Non, le silence peut être interprété comme si l’on connait la réponse, et c’est malhonnête, tu comprends ?, m’a dit-il pendant que sa femme, Mme Anna, me donnait des biscuits au beurre. Vous avez raison, pensai-je, vous avez raison…. Et ce fut à partir de ce jour-là que j’ai commencé à détrôner mon père et considérer le vieux voisin M Agustí comme mon nouveau dieu. Et cela jusqu’à ce qu’il a commencé à radoter peu de temps après. Les dieux durent très peu, à vrai dire, mais pas mon bouleversement. Mon insécurité. Ça va me durer à vie, je crains. Enfin. De temps en temps je vais au cimetière visiter M Agustí et sa femme, eux décédés aux années 80. Je les aime bien encore, autant que je les aimais jadis.

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